Les manoeuvres de terminus

Une chorégraphie minutée et hautement efficace

Une rame de métro complète de neuf wagons mesure 154 mètres. Comment lui fait-on rebrousser chemin une fois au terminus ? Comment peut-on détecter si l'un de ses quelques 72 pneus porteurs n'est pas gonflé à la pression nominale ? Comment l'opérateur traverse-t'il si vite son train de part en part pour conduire le train dans la direction opposée ? Mieux, comment peut-on effectuer toutes ces opérations en à peine deux minutes ?

La relève d'opérateurs

Avant même que le train n'arrive au terminus, un opérateur est en attente à l'extrémité du quai. Cet opérateur vient généralement de terminer le parcours et profite d'une pause dont la durée équivaut au temps que prendront deux autres trains pour arriver en station; il prendra donc le troisième train qui passera devant lui. Dans les années 1980, la pause ne durait qu'une minute. Depuis, la règle a changé, et les opérateurs disposent donc de cinq à vingt minutes pour se délier les jambes et aller à la toilette.

Aire d'attente des opérateurs à Montmorency

Pour des raisons de sécurité en cas d'évacuation, les trains de la ligne 4 - Jaune sont pilotés en tout temps par deux opérateurs en conduite manuelle. Pendant la longue traversée sous-fluviale, l'opérateur à la queue du train peut prendre quelques minutes de répit.

Lorsque la rame entre en station, l'opérateur de relève prend place dans la loge de conduite en queue de train et actionne une cloche, appelée la sonnerie de loge, pour signaler sa présence à l'autre opérateur. On s'assure ensuite que le train ne contient plus de passagers, puis on referme les portes. Ensuite, la rame est commandée en conduite manuelle à la vitesse maximale de 16 km/h (10 mi/h) pour faire la manoeuvre de tiroir.

La manoeuvre de tiroir (retournement de la rame)

Généralement, on retrouve deux aiguillages (appelés appareils de voie par les employés du métro) de tiroir aux stations terminales : le premier est situé à l'entrée de la station et est appelé aiguillage d'avant-gare, alors que l'autre est situé dans l'arrière-gare et s'appelle donc aiguillage d'arrière-gare.

Aiguillage de tiroir du terminus Saint-Michel

Le terminus Snowdon est le seul à disposer d'un seul aiguillage de tiroir, situé profondément dans son arrière-gare. Ainsi, s'il tombe en panne, on doit fermer la branche ouest de la ligne 5 - Bleue jusqu'à la station Parc, la station la plus près qui dispose de l'équipement de retournement.

L'aiguillage d'avant-gare, pourtant essentiel, est rarement utilisé, mais représente une option alternative en cas d'incident dans l'arrière-gare. Au terminus Montmorency, les deux aiguillages de tiroir sont en croix, les seuls du réseau, ce qui permet de les emprunter dans les deux directions. Pour augmenter l'intervalle de service, l'aiguillage d'avant-gare y est ainsi utilisé quotidiennement pour retourner une rame dès l'entrée en station, ce qui permet à une deuxième rame de se stationner au quai d'arrivée plus rapidement. Au terminus Berri-UQAM, l'arrière-gare, qui sert aussi de voie de garage, est très courte. En dehors de l'heure de pointe, on y gare les trains en trop, ce qui empêche l'utilisation de l'aiguillage d'arrière-gare; l'aiguillage d'avant-gare est donc utilisé pour faire la manoeuvre de tiroir.

Pour réaliser cette manoeuvre, l'opérateur de tête de train avance sa rame jusqu'à ce que la dernière motrice dépasse l'aiguillage utilisé pour la manoeuvre. Le système de contrôle du métro détecte alors qu'un train est en attente pour réaliser le retournement et actionne le moteur qui contrôle les pointes de l'aiguillage.

Pendant ce temps, les opérateurs envoient une commande au train afin d'inverser le sens de marche. Les feux du train changent alors de couleur : les feux blancs indiquant l'avant du train deviennent rouges et les feux rouges, qui en indiquent l'arrière, deviennent blancs. La polarité d'alimentation des moteurs est aussi inversée (voir la page Le hacheur de courant pour le schéma d'alimentation des moteurs).

Finalement, une fois que l'aiguillage est placé dans la bonne position et que le train est prêt, l'opérateur de relève, qui contrôle maintenant le train, fait avancer la rame vers l'aiguillage. Les mentonnets (ou «flanges») des roues de secours, qui sont placées derrière les pneus, entrent en contact avec les pointes de l'aiguillage et la rame change lentement de voie.

Pour faciliter le changement de voie, les aiguillages sont dépourvus de barres de guidage. Quand les frotteurs d'une motrice ne touchent ni à la barre de guidage en amont ni à la barre en aval de l'aiguillage, les bobines des moteurs de traction tentent tant bien que mal de maintenir le courant qui les traverse. Pour ce faire, l'énergie électromagnétique accumulée dans les bobines se décharge brusquement et la tension entre les frotteurs positifs et négatifs augmente très rapidement jusqu'à ce qu'un arc électrique se produise entre le frotteur positif et le sol. C'est pourquoi un train qui change de voie produit parfois une imposante étincelle au moment de passer l'aiguillage.

La vérification des pneus porteurs

Après avoir franchi l'aiguillage de tiroir, le train passe au-dessus d'une pédale de détection qui détecte les pneus sous-gonflés. Comme les pneus et les roues de sécurité sont sur le même essieu, un dégonflement du pneu abaisse la roue de sécurité de quelques centimètres et celle-ci actionne la pédale.

Pédale de détection des pneus sous-gonflés

Les pneus porteurs du métro sont gonflés à l'azote, un gaz inerte dont l'air est composé à 70%. Les pneus remplis uniquement d'azote ont une pression interne relativement stable, alors que ceux remplis d'air régulier subissent des variations importantes de pression en fonction de la température.

En fonctionnement normal, les pneus porteurs du métro s'échauffent en raison de la friction et atteignent une température maximale de 60 degrés Celsius. Cependant, comme l'effort de traction est plus important quand un pneu est sous-gonflé, sa température peut augmenter à près de 70 degrés. Comme les pneus peuvent s'enflammer spontanément à cette température, il vaut mieux détecter les problèmes le plus tôt possible, alors que le train est encore garé au terminus.

Si la pédale de détection est actionnée, le feu permissif au départ du terminus passe en mode Départ sur ordre (D.S.O.) et un voyant indique à l'opérateur de quel côté du train se trouve le pneu problématique.

Cette pédale de détection a été aussi installée sur les voies de sortie des garages, car une valve de gonflage défectueuse peut laisser fuir une petite quantité d'azote pendant la nuit. Si le dégonflement est assez important, il est ainsi détecté dès que le train est dégaré.

Le Tableau de contrôle optique

Pendant que les opérateurs effectuent la manoeuvre de retournement, le chef de terminus peut vérifier en tout temps la position des trains qui se situent sur les voies du terminus sur un panneau d'affichage, le tableau de contrôle optique (TCO).

Sur le TCO, les cantons sont représentés par une petite barre rétro-éclairée normalement éteinte. Quand les frotteurs négatifs d'un train shuntent (court-circuitent) les deux rails de sécurité du canton, le système de contrôle du métro le détecte et active l'ampoule associée à ce canton sur le TCO pour indiquer qu'il est occupé.

Au Centre de contrôle du métro (CCM), situé au centre-ville, on retrouve un TCO qui affiche l'état de tous les cantons pour chacune des lignes. En comparaison, le TCO d'une station terminale n'affiche généralement que les cantons de l'avant-gare, de l'arrière-gare et des voies de garage (s'il y a lieu).

TCO analogique à la station Longueuil—Université–de–Sherbrooke
TCO numérique à la station Montmorency