Métro de Montréal démystifié #2

Deuxième article de la chronique en cinq parties Le Métro de Montréal démystifié, qui a paru dans le JETS (journal étudiant de l'École de Technologie Supérieure) de février à juin 2009.

Précédemment, dans Le métro de Montréal démystifié

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Dans ma dernière chronique, je vous racontais l’histoire tumultueuse qui a mené à la création du réseau initial du métro de Montréal. Maintenant que les stations et les tunnels sont prêts, il faut à présent avoir des rames suffisamment spacieuses et bien conçues pour les desservir efficacement.

Dans cette chronique, je vous décris les deux générations de matériel roulant qui se partagent actuellement les voies et je vous présente les futurs trains qui s’ajouteront à cette flotte d’ici 2011 – du moins selon les plus optimistes.

En voiture !

Les MR-63 (Matériel roulant conçu en 1963)

Pendant qu’on creuse le roc montréalais à grands coups d’explosifs pour faire place aux tunnels, la ville de Montréal s’associe avec la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP), qui exploite les lignes de métro sur pneus dont Jean Drapeau était tombé amoureux. Les métros sur pneus sont alors peu répandus et les ingénieurs de la RATP possèdent une expertise unique dans ce domaine.

On manque d'air à l'ouverture

Surestimant la rigueur de nos hivers et négligeant nos violentes canicules, les ingénieurs français décident donc d’installer un système de chauffage dans les futures rames de métro et conçoivent un système de ventilation rudimentaire pour remplacer l’air vicié par de l’air frais.

À l’été 1967, quand les trains de la ligne 4 – Jaune se remplissent à pleine capacité de visiteurs d’Expo 67 et que la canicule frappe, la ventilation insuffisante incommode un opérateur, qui s’évanouit avant d’avoir garé son train. Celui-ci, hors de contrôle, percute alors le mur au fond de l’arrière-gare Berri–De Montigny. Heureusement, personne n’est blessé dans cet incident.

L’hiver suivant, on installe donc de nouveaux ventilateurs plus puissants sur le toit des rames et on retire le système de chauffage, qui est inutile en raison de la chaleur dégagée par les trains et les passagers.

Train MR-63

Le train «Jeumont»

Au cours des années 1970, pendant qu’on prolonge le réseau initial, les 336 voitures de métro initiales ne suffisent plus et de nouvelles rames sont conçues. Dans le but de remplacer le système électromécanique de démarrage des moteurs des MR-63 par un système électronique plus moderne dans les nouvelles voitures, le Bureau de Transport Métropolitain (BTM), qui planifie et supervise les travaux, lance une compétition d’ingénierie entre deux firmes, Hitachi et Canron.

On modifie donc de fond en comble deux rames complètes de neuf voitures afin de les munir des plus récents démarreurs et on les évalue rigoureusement. On conserve le train modifié de la compagnie gagnante (Canron, d’après un design de la firme française Jeumont) et on met en chantier les nouvelles voitures en 1973.

Hacheur de courant du train Jeumont

La fin de vie des MR-63

De 1990 à 1993, on remet à neuf les vieilles rames MR-63 aux ateliers d’AMF du quartier Pointe-Saint-Charles.

Après plus de 40 ans de loyaux services et une fiabilité exemplaire, ces rames seront progressivement retirées au cours des prochaines années.

Les MR-73 (Matériel roulant conçu en 1973)

Les nouvelles rames MR-73 sont fabriquées par Bombardier de 1974 à 1976 à son usine de La Pocatière et sont progressivement livrées au BTM.

Le nouveau démarreur électronique qui est installé dans ces voitures produit une curieuse mélodie de cinq notes lors du démarrage : « Dou-dou dou-dou-dooou ». Cette mélodie provient du hacheur de courant, le dispositif à la base du démarreur qui alimente progressivement les moteurs en «découpant» leur tension d’alimentation en ondes carrées de plus en plus larges.

Train MR-73

L'incendie à Henri-Bourassa force la main du BTM

Après un incendie fatal causé par une collision entre deux rames dans l’arrière-gare Henri-Bourassa en 1971, on se rend compte que l’aménagement intérieur des rames MR-63, réputé aussi ininflammable que le Titanic insubmersible, constitue un grave danger pour les passagers en cas de feu.

Dans cette optique, on décide de recourir à des matériaux auto-extinguibles pour l’aménagement des MR-73 et on installe un système de communication dans chaque voiture pour permettre aux passagers de signaler immédiatement un incident à l’opérateur.

Leçons apprises des MR-63

Après le fiasco de la ventilation déficiente des MR-63, le BTM dote les nouvelles voitures de puissants ventilateurs, dont la vitesse peut être contrôlée à volonté par l’opérateur, et redessine le système d’aération pour le rendre plus efficace.

Les modifications apportées aux MR-73

Dès leur entrée en service, ces voitures « musicales » font sensation. Initialement, on installe des illustrations des attraits touristiques et des monuments historiques de Montréal sur la cloison qui sépare la loge de pilotage des passagers, mais elles sont rapidement vandalisées et elles sont donc retirées.

Dans les années 1990, on ajoute deux afficheurs électroniques dans chaque voiture. Une narratrice hors-champ bien connue de l’époque, Judith Ouimet, enregistre les messages destinés à la clientèle pour ce nouveau système. La comédienne Michelle Deslauriers (qu’on pouvait voir dans le rôle de Madge dans Le Cœur a ses raisons) enregistre quant à elle de nouveaux messages dans les années 2000 (messages d’interruption de service, nouvelles stations, etc.).

Pendant les travaux du prolongement de la ligne 2 – Orange vers Laval, on entreprend la remise à neuf de ces voitures. Les modifications effectuées comprennent l’installation de barres d’appui triples en forme de Y, le remplacement des sièges et l’aménagement d’un espace destiné aux passagers en fauteuil roulant, qui seront de plus en plus nombreux à mesure que les stations seront pourvues d’ascenseurs.

Les MR-08 (futur matériel roulant)

Afin de remplacer les vieilles voitures MR-63, qui parcourent les tunnels du métro sans relâche depuis 1966, la STM octroie le contrat de fabrication de voitures modernes, les MR-08, à Bombardier sans passer par un appel d’offres.

Cette situation provoque l’ire de la compagnie française Alstom, qui a acheté la compagnie Canadian Vickers qui avait construit les MR-63, et la cause se retrouve devant les tribunaux. Finalement, les deux firmes s’associent et proposent de construire les voitures au prix de quatre millions de dollars chacune. À l’heure où j’écris ces lignes, la construction n’a pas encore commencé.

Modèle de ce qui deviendra le train MPM-10 / Azur

Les caractéristiques du nouveau matériel roulant

Ces nouvelles voitures seront de type «boa», ce qui signifie qu’on pourra les traverser de part en part de l’intérieur. De plus, l’avancement de la technologie des démarreurs électroniques permet d’obtenir un meilleur rendement qu’avec le hacheur de courant utilisé dans les MR-73.

En termes plus simples, il faudra renoncer au « Dou-dou-dooou » qui est devenu au fil du temps la signature du métro de Montréal.

Les nouveaux trains détonneront aussi au niveau de leur apparence. En effet, la STM a retenu un look résolument moderne, qui contraste avec l’apparence plutôt carrée des MR-73. Ce changement d’apparence est loin de faire l’unanimité parmi les métrophiles (fanatiques du métro), qui trouvent que les esquisses des nouvelles voitures semblent provenir d’un mauvais film futuriste.

Néanmoins, rien n’est encore construit, faut-il le rappeler; les spécifications peuvent encore changer !

En conclusion

Dans ma prochaine chronique : que se passe-t-il donc dans les arrière-gares ?

Sources