Métro de Montréal démystifié #3
Troisième article de la chronique en cinq parties Le Métro de Montréal démystifié, qui a paru dans le JETS (journal étudiant de l'École de Technologie Supérieure) de février à juin 2009.
Précédemment, dans Le métro de Montréal démystifié
Dans l’édition précédente du Métro de Montréal démystifié, je vous ai présenté les deux générations de matériel roulant qui parcourent les tunnels du métro : les MR-63, utilisés depuis l’ouverture du réseau initial, et les MR-73, les voitures plus récentes qui produisent le célèbre «Dou-dou-doou» au démarrage.
Afin d’assurer une desserte efficace des stations à l’heure de pointe, la STM utilise tous les trains disponibles sur les quatre lignes du métro.
Cependant, à mesure que les voyageurs se font plus rares, que fait-on avec les trains surnuméraires ? De plus, comment fait-on changer de direction les trains du métro, qui ont jusqu’à 152 mètres de longueur ? Toutes ces opérations, qui se passent dans les arrières-gares, soit la portion de tunnel située après une station terminale, n’auront bientôt plus de secrets pour vous.
En voiture !
Le retournement des trains
Une fois qu’un train a parcouru la ligne dans une direction, on doit le retourner afin qu’il puisse desservir l’autre direction. Pour ce faire, un opérateur prend place à chacune des extrémités du train et celui-ci se dirige vers l’arrière-gare afin de réaliser le retournement, qui est appelé «manœuvre de tiroir» dans le jargon des employés du métro.
Les appareils de voie (ou aiguillages)
À chaque station terminale, on retrouve au moins un aiguillage de tiroir. Cet aiguillage relie les deux voies de la ligne et est généralement pris «par le talon», ce qui signifie que le train doit tout d’abord le dépasser avant de l’emprunter en marche arrière.
À l’opposé, on retrouve quelques aiguillages pris «par la pointe», qui sont empruntés en marche avant, sur le réseau du métro, mais ceux-ci sont surtout situés dans les garages et dans les voies de raccordement (les tunnels qui relient les lignes entre-elles).
La station Montmorency, le terminus le plus récent, est une notable exception à ce chapitre avec ses deux aiguillages en croix, qui peuvent être empruntés aussi bien par le talon que par la pointe.
La manœuvre de retournement
Une fois que le train a dépassé l’aiguillage de tiroir, l’opérateur à l’avant du train envoie une commande qui inverse la polarité d’alimentation des moteurs et les feux de position : les feux avants passent du blanc au rouge et les feux arrières passent du rouge au blanc.
Par la suite, l’autre opérateur prend les commandes et avance très lentement vers l’aiguillage afin de changer de voie. Au moment de passer l’aiguillage, les moteurs sont parfois momentanément déconnectés de la source d’alimentation, ce qui cause un important arc électrique.
Le contrôle de la pression des pneus
Une fois que le train a changé de voie, il passe au-dessus d’une pédale de détection qui s’assure que tous les pneus sont gonflés à leur pression nominale. Le moindre affaissement d’un pneu causé par une baisse de pression actionne la pédale et l’opérateur est immédiatement averti de la situation pour éviter tout endommagement à son train.
En effet, alors que les pneus bien gonflés atteignent une température de 60 degrés Celsius en fonctionnement normal, les pneus sous-gonflés s’échauffent rapidement et peuvent s’enflammer spontanément quand leur température dépasse 70oC.
Que faire en cas de crevaison ?
En cas de crevaison, un bouclier non-conducteur est placé devant la roue affectée afin que les fils d’armature du pneu crevé ne créent pas de courts-circuits en touchant à la barre de guidage, qui alimente les voitures à une tension de 750 volts.
En vertu d’un partenariat technologique avec le métro de Mexico, qui dispose d’un matériel roulant semblable à celui de Montréal, ce bouclier protecteur, développé à l’origine par des ingénieurs mexicains, porte le nom de «Bouclier Mexico amélioré».
L’accouplement des voitures
Pendant la phase de conception du métro, les ingénieurs prévoient un système d’accouplement permettant de modifier la longueur des trains à volonté en ajoutant et en retirant des éléments de trois voitures en fonction de l’achalandage de la ligne.
Ainsi, on évite de faire rouler inutilement des voitures vides. Par exemple, la ligne 4 – Jaune est desservie de 1967 à 2008 avec des trains complets de neuf voitures en pointe et de six voitures hors pointe et pendant l’été, alors que la ligne 5 – Bleue est desservie de 1986 à 2007 avec des trains de six voitures pendant l’heure de pointe et de trois voitures hors pointe.
Pour réaliser l’accouplement et le désaccouplement des voitures, la vitesse maximale du train est limitée à 5 km/h. Au moment où les deux éléments à accoupler entrent en collision, les attelages des voitures se verrouillent automatiquement ensemble.
Par la suite, un système de connecteurs électriques sophistiqué situé au-dessus de l’attelage se referme et les différentes consignes (limites de vitesse, ordre de fermeture des portes, etc.) sont ainsi transmises d’un bout à l’autre du train nouvellement formé.
Le garage des trains
À la fin des périodes d’achalandage, on doit retirer des trains du service afin que l’opération du métro demeure rentable pour la STM. En effet, pendant les heures creuses, un intervalle de huit minutes entre deux trains permet d’offrir un niveau de service acceptable et s’avère très économique; imaginez maintenant l’entassement des passagers si cet intervalle de passage était aussi en vigueur à l’heure de pointe !
Pour garer les trains pendant les heures creuses et pendant la nuit, quand seuls les véhicules d’entretien parcourent les voies, la STM dispose de quatre garages : Angrignon et Beaugrand sur la ligne 1 – Verte et Saint-Charles et Montmorency sur la ligne 2 – Orange.
De plus, les arrière-gares particulièrement longues de certains terminus servent aussi de garage, comme à Côte-Vertu (900 mètres – capacité de dix trains de neuf voitures) et à Snowdon (700 mètres).
Les ateliers d'entretien
On retrouve aussi deux ateliers, Youville et Beaugrand (qui a une double vocation d’atelier et de garage), où on gare les trains qui sont défectueux ou en attente d’une inspection préventive.
L’atelier Youville dispose par ailleurs d’une voie d’essai d’une longueur de deux kilomètres sous le parc Jarry qui permet aux trains de la ligne 5 – Bleue d’accéder à l’atelier entre les stations De Castelnau et Parc.
En conclusion
En conclusion, les différentes manœuvres d’arrière-gare ont été prévues afin d’assurer un service rapide, sécuritaire et efficace. Cependant, un système méconnu du public est installé depuis 1976 sur les trains du réseau et joue un rôle encore plus important dans la ponctualité et le niveau de confort du métro.
Dans la prochaine édition, je vous explique tout ce qu’il faut savoir sur ce système, le pilotage automatique.
Sources
- Sites web
- Livres
- Bureau de Transport Métropolitain, Le Métro de Montréal, 1983, couleur, 164 p.
- CLAIROUX, Benoit. Le Métro de Montréal, 35 ans déjà, Montréal, Éditions Hurtubise HMH, 2001, 160 p.