La distribution électrique

«Le métro, 100% électrique depuis 1966», qu'ils disaient...

Les trains du métro de Montréal fonctionnent à une tension de 750 volts à courant continu qui leur est fournie par les voies. Quand on sait qu'Hydro-Québec, le distributeur national d'électricité, la distribue à ses clients à des tensions qui varient de 12 500 à 25 000 volts, on peut se demander ce qui se passe entre le poteau et la barre de guidage.

Les postes de district

Hydro-Québec distribue l'électricité à ses clients industriels et institutionnels à une tension de 12 500 volts (12.5 kV, anciennes installations seulement) et à 25 000 volts (25 kV, installations récentes ou modernisées). C'est donc au consommateur qu'incombe la tâche de transformer la tension fournie afin qu'elle corresponde à ses besoins.

Dans le cas de la STM, l'électricité est livrée à à sept postes de district (PD) répartis sur le réseau du métro :

  • Providence, situé près de la station Berri-UQAM (12.5 kV);
  • Legendre, situé près des ateliers Youville (12.5 kV);
  • Dickson, situé près de la station Assomption (12.5 kV);
  • Lionel-Groulx, adjacent à la station du même nom (12.5 kV);
  • Snowdon, adjacent à la station du même nom (25 kV);
  • Saint-Michel, adjacent à la station du même nom (25 kV);
  • Montmorency, adjacent à la station du même nom (25 kV);
Carte du système de distribution électrique du métro

Pour assurer une meilleure fiabilité du métro en cas de panne de courant localisée, chaque poste de district est alimenté par deux lignes électriques indépendantes. Ces deux lignes sont par ailleurs dédiées uniquement à la STM; les importants courants consommés par les rames pourraient affecter négativement tout autre client qui y serait raccordé.

Les postes de district peuvent se comparer à une entrée électrique résidentielle. En effet, c'est à cet endroit que la consommation électrique du tronçon est mesurée et que les équipements électriques subséquents sont protégés des court-circuits et des surcharges par des disjoncteurs.

Les équipements du poste de district ne modifient cependant pas la tension. En effet, pour minimiser les pertes, l'énergie de traction (consommée par les trains) est redistribuée à haute tension aux postes de redressement situés à intervalle régulier le long des lignes de métro. Ces postes l'abaissent et la transforment à l'endroit même où elle sera captée par les rames.

Cabinets de mesurage du poste de district Providence (© Guy Lavoie, avec permission)

Les postes de redressement

Les postes de redressement (PR) sont situés le long des lignes de métro et servent à transformer la haute tension alternative distribuée par les postes de district (12.5 ou 25 kV) en moyenne tension continue que les rames peuvent utiliser.

Comme Hydro-Québec livre l'énergie en triphasé (trois phases décalées de 1/180ème de seconde l'une par rapport à l'autre) et que le métro fonctionne à courant continu, il faut abaisser la tension puis la redresser.

Afin d'augmenter l'efficacité du redressement, deux transformateurs triphasés sont utilisés : l'un a un couplage delta-delta et l'autre a un couplage delta-étoile. Ce faisant, on transforme le courant triphasé initial (3 phases) en courant hexaphasé (6 phases).

Par la suite, deux redresseurs en pont, constitués de six ensembles de diodes chacun, transforment le courant alternatif hexaphasé en courant continu.

Comme le courant débité par le poste de redressement est très important (de l'ordre de 3 000 ampères en moyenne), sept diodes sont montées en parallèle et se divisent ainsi le courant total en sept parts égales. Chaque diode est protégée par un fusible en cas de surcharge, et le poste de redressement peut continuer à fonctionner même si le fusible d'une des sept diodes s'est déclenché.

De plus, pour éviter les courants vagabonds, qui peuvent corroder les structures métalliques souterraines (tuyaux, structures de bâtiments, etc.), le courant redressé n'est pas mis à la terre. Les pôles positifs et négatifs sont donc flottants par rapport au sol, ce qui amène le personnel de la STM à les considérer tous les deux comme extrêmement dangeureux. En effet, la tension moyenne entre le pôle négatif et la terre est de 50 volts, mais elle peut grimper à 120 volts au voisinage d'un poste de redressement hors-service sur une ligne de métro toujours alimentée.

Circuit électrique d'un poste de redressement (PR) moderne (prolongements de 1976 à 2007)

La distribution du courant de traction

Une fois transformé et redressé, le courant de traction est prêt à être utilisé par les trains. Un jeu de câbles de calibre 500 kcmils (18 mm de diamètre) achemine l'électricité du poste de redressement aux barres de guidage (pôle positif) et aux rails de sécurité (pôle négatif).

Ces conducteurs ont un courant nominal de 510 ampères et pas moins de huit d'entre-eux sont donc mis en parallèle pour acheminer l'important courant de traction aux voies.

Connexions inductives (point de retour du courant de traction — PR Montmorency adjacent)

Afin de pouvoir mettre une portion de ligne hors-service en cas d'incident, chaque poste de redressement dispose de sectionneurs de voie (SV), qui déconnectent le pôle positif des barres de guidage, et de sectionneurs de neutre (SN), qui déconnectent le pôle négatif des rails de sécurité.

Cependant, en cas d'incident isolé, il est possible qu'une voiture de métro soit immobilisée entre la section de voie encore alimentée et la section qui a été débranchée. Comme ses quatre frotteurs positifs sont reliés entre-eux et qu'une paire se trouve à chaque extrémité de la voiture, il serait ainsi possible que la rame alimente la section de voie débranchée par le biais de la section encore fonctionnelle. Cette situation serait évidemment extrêmement dangeureuse pour le personnel d'intervention, qui penserait à tort cheminer dans un tunnel désalimenté.

Pour éviter cette situation, une section spéciale de la barre de guidage est installée en face de chaque poste de redressement. Cette section, appelée coupon neutre, est constituée de deux sections de barre de guidage isolées par des éclisses isolantes. En fonctionnement normal, un contacteur de coupon neutre (CCN) relie chaque portion isolée à la barre de guidage adjacente (qui est alimentée par le poste de redressement), mais ce contacteur s'ouvre et isole le coupon neutre si la section de voie doit être désalimentée.

Comme le coupon neutre est plus long qu'une voiture de métro, il empêche ainsi qu'un train immobilisé relie une section de voie déconnectée à une section de voie toujours alimentée.

Coupon neutre à la station Côte-Vertu (PR Côte-Vertu adjacent)

La captation de l'énergie électrique

Contrairement à la majorité des autres métros du monde, le métro de Montréal innove dès son ouverture en utilisant un troisième rail à la fois pour guider les courbes et pour alimenter les trains en électricité. Ce troisième rail est appelé la barre de guidage.

Pour capter le courant de traction, des frotteurs au carbone, au nombre de 4 par voiture motrice, glissent librement sur les barres de guidage. Pour éviter les court-circuits en cas d'éclaboussures, chaque frotteur est recouvert d'une coquille isolante.

Sur les trains MR-63, un fusible a été ajouté à chaque frotteur positif après les premiers tests en tunnel. À l'opposé, la boîte protectrice des frotteurs positifs des MR-73 a été prévue pour accueillir directement le fusible.

Frotteur positif d'un MR-63

Pour sa part, le pôle négatif de l'alimentation électrique est raccordé aux rails de sécurité, qui servent à guider le train en cas de crevaison et dans les aiguillages, et qui sont utilisés par les équipements d'entretien.

Initialement, les trains étaient pourvus de frotteurs négatifs en métal, mais ceux-ci engendraient une usure prématurée des appareils de voie et un bruit excessif. Ils ont donc été remplacés par des frotteurs en carbone.

La dernière transformation du courant électrique

Une fois capté par les frotteurs positifs, une portion du courant consommé par les trains subit une dernière transformation. En effet, les rames disposent de plusieurs circuits électriques dont les besoins en électricité sont radicalement différents :

  • Traction et ventilation (MR-63) : 750 V CC
  • Éclairage : 250 V CA (400 Hz)
  • Climatisation de la loge de l'opérateur et ventilation (MR-73) : 120 V CA (60 Hz)
  • Contrôle et éclairage de secours : 72 V CC
Moteur de traction — Principal consommateur d'électricité à bord du train (© Guy Lavoie, avec permission)

Alors qu'il suffit d'utiliser un transformateur pour modifier une tension alternative, il est beaucoup moins facile de transformer une tension continue. À l'époque, les concepteurs du métro ont dû faire preuve d'ingéniosité pour y parvenir. En effet, les convertisseurs CC-CC, qui sont relativement communs aujourd'hui, en étaient alors à leurs premiers balbutiements.

Ainsi, la meilleure solution à cette époque consistait à utiliser un moteur CC de 25 kW couplé à un alternateur CA, duquel étaient dérivées les tensions requises pour les circuits à basse tension du train. Ce type de convertisseur, un peu trop encombrant pour trouver une place dans les voitures motrices, a donc été relégué aux voitures remorques (sans motorisation).

Depuis leur modernisation, les trains MR-63 disposent désormais d'un convertisseur électronique pour réaliser cette fonction. Dépourvu de pièces mobiles, ce convertisseur moderne requiert beaucoup moins d'entretien que les groupes moteur-alternateur qui sont toujours utilisés dans les MR-73.

La sécurité des voyageurs et du personnel

Les seuls employés de la STM habiletés à cheminer en tunnel pendant les heures d'exploitation sont les parcoureurs de voie. Leur tâche : identifier les tronçons de voie dont les boulons doivent être resserés et les pistes de roulement endommagées. Cette tâche doit absolument être accomplie pendant que les trains parcourent les tunnels, car leur passage sur une voie endommagée produit un bruit caractéristique qui permet de mieux cerner le problème.

Mis à part les parcoureurs de voie, il est extrêmement risqué pour quiconque de cheminer en tunnel. En effet, en plus des risques de collision avec les trains, la tension des barres de guidage et des rails de sécurité est suffisante pour causer une électrisation sévère, voire une électrocution.

Lorsque le courant est coupé et que des employés doivent travailler sur les voies, ils vérifient tout d'abord que la section de voie où ils se trouvent est effectivement désalimentée. Par la suite, ils posent un court-circuiteur (une simple pince faite d'un matériau conducteur) entre la barre de guidage et le rail de sécurité.

Ainsi, si la voie est accidentellement réalimentée, le disjoncteur du poste de redressement le plus près s'ouvre aussitôt, car le tronçon de voie qu'il alimente est en court-circuit.

Cependant, les voyageurs n'ont pas l'équipement de protection mis à la disposition du personnel de la STM. En cas de chute (volontaire ou accidentelle) sur les voies, le danger de choc électrique est donc bien présent.

Panneau apposé sur les barres de guidage en station

Pour assurer la sécurité des voyageurs, la STM a donc installé des niches Assistance sur tous les quais des stations du métro. À l'intérieur de ces niches, reconnaissables grâce à l'éclairage bleu qui les surplombe, on retrouve notamment un rupteur d'alimentation (une poignée rouge qui est reliée aux disjoncteurs de voie).

Niche Assistance, qui contient un rupteur pour couper le courant en cas d'urgence

Lorsque ce rupteur est actionné, il provoque l'ouverture du disjoncteur de la voie correspondant au quai sur lequel la niche est installée et, par asservissement, du disjoncteur de la voie opposée.

Pour ce faire, le rupteur coupe l'alimentation du relais de sécurité, qui doit être activé pour que le disjoncteur alimente les voies. Une fois désalimenté, le relais de sécurité provoque quasi-instantanément l'ouverture du disjoncteur de voie.

Toutefois, lorsque l'humidité est élevée en tunnel, des déclenchements intempestifs du relais de sécurité peuvent survenir. Pour cette raison, le centre de contrôle du métro le désactive parfois temporairement pour maintenir le service.

Dans ces circonstances, le fait d'actionner le rupteur ne provoque pas l'ouverture du disjoncteur comme prévu, mais envoie plutôt un signal d'urgence au centre de contrôle, qui signifie qu'ils doivent provoquer eux-mêmes l'ouverture du disjoncteur de voie.