Métro de Montréal démystifié #4

Quatrième article de la chronique en cinq parties Le Métro de Montréal démystifié, qui a paru dans le JETS (journal étudiant de l'École de Technologie Supérieure) de février à juin 2009.

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Précédemment, dans Le métro de Montréal démystifié

Dans ma dernière chronique, je vous ai expliqué les opérations principales qui sont effectuées dans les arrière-gares et qui permettent d’exploiter le métro le plus efficacement possible.

Cependant, cette véritable chorégraphie, réalisée dans un terminus près de chez vous par les opérateurs, n’est pas la seule raison à l’origine du service hors-pair dont nous pouvons bénéficier. Un autre système, dont peu de gens soupçonnent l’existence, contribue à faciliter la tâche à ces mêmes opérateurs en plus de régulariser minutieusement les horaires et d’éviter le plus possible les incidents.

Ce système, installé dans les trains depuis 1976, est le pilotage automatique (P.A.).

En voiture !

L’incendie de 1971 : le déclencheur

Alors que le métro roule sans incident majeur depuis maintenant cinq ans, une catastrophe survient le 9 décembre 1971. Pour une raison inconnue, l’opérateur Gaston Maccarone perd le contrôle de son train dans l’arrière-gare Henri-Bourassa, qui va alors percuter les rames qui y sont stationnées.

Suite à l’impact, un wagon déraille et crée un court-circuit, ce qui provoque un début d’incendie. Aussitôt, le personnel accourt sur les lieux pour tenter de sortir l’opérateur infortuné de sa cabine, mais la chaleur intense et la fumée les obligent à reculer. De plus, la cabine dans lequel il prend place est fortement endommagée, ce qui empêche quiconque de l’extirper de sa fâcheuse position.

Entre-temps, les pompiers sont dépêchés sur les lieux, mais la distance à parcourir jusqu’à l’incendie est trop grande et ils sont contraints de faire demi-tour quand leurs réserves d’oxygène s’épuisent.

Finalement, en arrosant les flammes à travers un puits de ventilation, on parvient à éteindre l’incendie. Le bilan est dévastateur : quatre trains complets de neuf voitures sont une perte totale et l’opérateur Gaston Maccarone est mort, étouffé par la fumée.

Après cet incident fâcheux et un incendie mineur entre les stations Roseront et Laurier en 1974, on rehausse considérablement l’efficacité des procédures d’urgence du métro afin d’éviter que de telles situations se reproduisent.

Parallèlement, on décide d’implémenter le plus tôt possible un système de pilotage automatique dans les rames afin de minimiser l’erreur humaine. Les ingénieurs du BTM (Bureau de Transport Métropolitain) se mettent à l’œuvre et conçoivent l’infrastructure requise pour ce système complexe.

L’introduction du pilotage automatique

Comme la ligne 4 – Jaune ne comporte que cinq kilomètres d’un terminus à l’autre, on décide d’y installer en priorité les circuits de voie requis pour utiliser le pilotage automatique. Le but du test : déterminer si un tel système est viable dans le métro de Montréal.

Dans la nuit du 11 juin 1975, pendant que les autres trains sont stationnés dans les garages, une rame parcourt cette courte ligne dans les deux sens et fait demi-tour dans les arrière- gares. Un petit détail à signaler : aucun opérateur ne se trouve aux commandes! En effet, le système électronique embarqué s’occupe lui-même de respecter les consignes (limites) de vitesse, d’immobiliser le train au bon endroit dans les stations et d’effectuer la manœuvre de retournement en arrière-gare.

Après cet essai réussi, les ingénieurs du BTM ont désormais la preuve que leur système fonctionne parfaitement. Ils décident donc de modifier les voies de la ligne 1 – Verte pour les rendre compatibles avec le pilotage automatique, qui est disponible à partir du mois de novembre 1976.

Pendant ce temps, on dote aussi la ligne 2 – Orange de ce nouveau système, qui y est mis en service quelques années plus tard.

Indicateur de vitesse d'un train MR-73

L’A.B.C. du P.A. (Mais comment fonctionne-t-il donc ?)

Après avoir fermé manuellement les portes (et avoir attendu les retardataires qui ne manquent pas de les retenir pour pouvoir entrer), l’opérateur appuie pendant huit secondes sur un bouton situé sur sa console de commande.

À ce moment, l’ordinateur de bord prend le contrôle du train et décode la consigne de vitesse pour la prochaine section de voie. Cette consigne, constituée d’un signal électrique alternatif, est injectée dans les rails du métro à intervalles réguliers.

Le métro et le système impérial

Huit limites de vitesse ont été retenues lors de la conception : 0, 10, 15, 20, 25, 35, et 45 milles à l'heure. Comme le Canada utilisait encore le système de mesure impérial quand les premiers trains ont été conçus, les compteurs de vitesse du métro n’ont pas été reconvertis et s’avèrent donc un véritable témoin du passé!

Le freinage

Par la suite, les moteurs sont déconnectés de la source d’alimentation et le train continue son chemin, entraîné par son inertie. En fonction de l’avance ou du retard du train par rapport à son horaire prévu, l’application du freinage est effectuée d’une à cinq secondes après la déconnexion des moteurs.

Si le retard est trop important, le freinage s’effectue immédiatement après avoir mis le train au «neutre»; on appelle ce mode d’opération «la marche tendue». Cependant, ce mode d’opération extrême cause une usure prématurée du système de freinage et il est donc rarement utilisé.

Dès l’entrée en station, le train capte le signal d’une balise radio destinée à débuter la séquence de freinage. Deux autres balises situées le long du quai indiquent au train où il se trouve par rapport à sa position d’arrêt prévue et la puissance du freinage est ajustée au besoin si la décélération du train n’est pas adéquate.

Balise de freinage

Grâce à cette rétroaction, tous les trains de composition semblable s’immobilisent au même endroit dans la station, à cinq centimètres près.

L'ouverture des portes

Ce jeu de balises radio indique aussi de quel côté ouvrir les portes. En effet, alors que la majorité des stations possède un quai à la droite du train, celles qui ont des quais superposés (Lionel-Groulx, Snowdon, Jean-Talon, Charlevoix et De l’Église) ou un quai supplémentaire (Henri-Bourassa) disposent d’au moins un quai à gauche.

En conclusion

Après avoir laissé monter les passagers à bord de sa rame, l’opérateur ferme les portes et le cycle recommence; son train d’un poids de 300 tonnes est désormais contrôlé par l’ordinateur de bord. Toutefois, il faut encore un être humain dans la cabine de pilotage pour observer attentivement les voies pour y déceler tout problème éventuel.

Dans ma prochaine chronique (voyez-y un lien), je vous invite à prendre virtuellement la place de l’opérateur dans son observation des voies du métro : comment guide-t-on les trains sur pneumatiques, comment alimente-t-on les trains et comment a-t-on conçu les tunnels du métro pour économiser l’énergie?

Sources