Métro de Montréal démystifié #5
Cinquième et dernier article de la chronique en cinq parties Le Métro de Montréal démystifié, qui a paru dans le JETS (journal étudiant de l'École de Technologie Supérieure) de février à juin 2009.
Précédemment, dans Le métro de Montréal démystifié
Dans ma chronique précédente, je vous ai présenté le système de pilotage automatique utilisé dans le métro de Montréal. En dépit de sa complexité, sa mise en œuvre a permis d’améliorer considérablement le rendement du métro.
Suite à une perturbation, le système de commande centralisé peut ainsi ramener l’intervalle de passage des trains à une valeur acceptable en accélérant ou en ralentissant chacun d’eux selon son avance ou son retard face à son horaire prévu.
Avec l’arrivée du pilotage automatique, on aurait pu penser que le rôle d’opérateur de métro serait devenu obsolète et que Montréal aurait disposé d’un métro complètement automatisé. Cependant, près de 30 ans plus tard, il n’en est rien et l’opérateur a encore un rôle très important.
Même si le train se conduit de lui-même, une surveillance humaine des voies est néanmoins requise pour éviter que le train ne fonce à pleine vitesse dans un obstacle. Prenons donc la place de l’opérateur et examinons les voies du métro de Montréal.
En voiture !
Les particularités des voies du métro
Contrairement à la majorité des autres métros du monde, celui de Montréal roule sur pneumatiques. Conséquemment, la voie comporte deux différences principales avec celle d’un métro sur roues de fer.
Les pistes de roulement
Premièrement, les pneus porteurs, d’un diamètre d’environ 75 centimètres, roulent sur des pistes de roulement en béton, qui sont disposées de part et d’autre d’une paire conventionnelle de rails en acier.
Ces rails métalliques, essentiels pour un métro sur roues de fer, sont néanmoins présents dans les tunnels montréalais pour assurer le retour de l’énergie électrique, pour guider le train pendant les changements de voie et pour éviter les déraillements si un pneu vient à faire défaut.
En effet, si un pneu s’affaisse en cas de fuite ou de crevaison, deux roues d’acier, situées sur chaque essieu, peuvent soutenir le poids du train et actionner une pédale de détection pour signaler la situation à l’opérateur.
Les barres de guidage
Par ailleurs, comme les roues d’acier ne touchent pas aux rails pendant le fonctionnement normal, les trains sont guidés au moyen de roues horizontales qui s’appuient sur des barres jaunes de chaque côté de la voie. Ces barres, appelées à juste titre les barres de guidage, servent aussi à distribuer l’énergie de traction à une tension de 750 volts à courant continu.
Pour la capter, un balai de carbone, appelé frotteur positif, est situé entre chaque paire de roues motrices et frotte librement sur les barres de guidage. Parallèlement, de deux à quatre frotteurs d’acier[1] (les frotteurs négatifs) sont en contact avec les rails métalliques et retournent le courant de traction.
Dans le cas des MR-73, deux frotteurs isolés des autres mettent la voiture de métro au même potentiel que le rail métallique; on les appelle « frotteurs de masse ». Sur les MR-63, ce sont les frotteurs négatifs qui remplissent cette fonction.
La conception des tunnels
Grâce au petit gabarit des voitures d’inspiration française et à la solidité du sous-sol sur la majorité de l’île de Montréal, les deux voies ont pu être posées dans le même tunnel, qui a une largeur de sept mètres.
Les schistes d'Utica, une surprise désagréable
Cependant, en raison d’un affaiblissement généralisé du sous-sol causé par la présence de schistes d’Utica (type de roche friable) dans l’ouest de l’île, une courte portion de tunnel entre les stations Place-Saint-Henri et Vendôme a dû être consolidée au moyen d’un mur central pour éviter un effondrement. C’est aussi pour cette raison que les stations Charlevoix et De l’Église sont pourvues de quais superposés au lieu des habituels quais latéraux.
Dans le cas de la station De l’Église, un désastre a par ailleurs été évité de justesse quand les ouvriers ont remarqué que le plafond de la galerie qu’ils venaient d’excaver pour faire place à la future station présentait soudainement des fissures anormales. Peu après l’évacuation complète du chantier, le roc a cédé, creusant un profond ravin au beau milieu de la rue Wellington. Heureusement, comme la rue avait été fermée à la circulation suite à la découverte de l’effondrement imminent, personne n’a été blessé.
La solidité du reste du sous-sol montréalais
À l’exception de ces courtes sections de tunnel problématiques, les tunnels forés dans le roc montréalais sont généralement si solides que le béton posé sur la voûte ne joue aucun rôle structurel et ne sert qu’à canaliser l’eau qui suinte de la paroi vers un système de drainage et à empêcher des gravats qui se détacheraient de la muraille de tomber sur la voie.
Pour économiser l’énergie de traction, les tunnels des prolongements au réseau initial ont systématiquement été forés selon le profil dit « en cuvette », qui prend la forme d’un « U » entre deux stations. Lors du départ, la pente descendante de ce type de tunnel permet au train d’accélérer plus facilement pour atteindre sa vitesse de croisière, alors que la montée avant l’entrée en station contribue à le ralentir et diminue ainsi l’usure prématurée des freins.
Les sections étranges du métro de Montréal (en guise de conclusion)
En bien des endroits sur le réseau, on retrouve des sections de tunnel plutôt étranges qui titillent la curiosité des métrophiles. Pour conclure cette série d’articles sur le fonctionnement du métro, je vous dresse donc la liste de quelques unes de ces sections et vous invite à ouvrir l’œil pour les repérer lors de votre prochain trajet en métro.
- Station Atwater, en direction Angrignon : on peut remarquer un tunnel divergent situé au-dessus du tunnel principal et qui se prolonge sur une centaine de mètres. Il s’agit de l’ancienne arrière-gare du terminus Atwater, dont le plancher a été creusé au milieu des années 1970 pour faire place au tunnel qui se dirige aujourd’hui vers Lionel-Groulx. On peut aussi noter que ce tunnel fait un demi-tour complet entre ces deux stations sur le plan réseau de la STM.
- Station McGill, en direction Honoré-Beaugrand : le tunnel n’est pas orienté dans l’axe de la voie, qui le traverse en diagonale. Erreur de calcul des bâtisseurs du métro ou forage anticipé de la section de tunnel lors de la construction de l’édifice situé au-dessus : le mystère demeure entier…
- Tunnel entre les stations Frontenac et Préfontaine et entre Lucien-l’Allier et Georges-Vanier : le trottoir surélevé permettant aux employés d’entretien de cheminer en tunnel disparait soudainement au beau milieu du tunnel. Ce point précis constitue la fin d’un tunnel du réseau original, car ces trottoirs sont présents uniquement dans les prolongements.
- Tunnel entre Du Collège et Côte-Vertu : seule interstation qui comporte deux aiguillages de tiroir. La raison est fort simple : comme Du Collège était l’ancien terminus de la ligne 2 – Orange, on a laissé son ancien aiguillage d’arrière-gare en place et on en a installé un juste avant la station Côte-Vertu pour retourner les trains en avant-gare.
Notes
- Note 1 : Dans les faits, les frotteurs métalliques ont été rapidement remplacés par des frotteurs en carbone à cause de l'usure excessive de la voie qu'ils engendraient.
Sources
- Sites web
- Livres
- Bureau de Transport Métropolitain, Le Métro de Montréal, 1983, couleur, 164 p.
- CLAIROUX, Benoit. Le Métro de Montréal, 35 ans déjà, Montréal, Éditions Hurtubise HMH, 2001, 160 p.